Édition du mercredi 14 octobre 2015
Philippe Laurent : « Ce n'est pas par la contrainte et la norme que l'on rendra meilleure la gestion publique »
Le maire de Sceaux et secrétaire général de l’AMF revient pour Maire info sur certaines propositions contenues dans le rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales. Il estime notamment qu’il « serait préférable de repenser en profondeur notre système institutionnel plutôt que d’imaginer de nouveaux moyens de contrôle et de domination de l’oligarchie administrative ».
Le rapport affirme que la situation financière des collectivités s'est encore dégradée en 2014, non pas du fait principal de la baisse de la DGF, mais principalement de la dégradation structurelle de l’épargne. Quelle est votre analyse ?
La Cour joue sur les mots. S’il y a dégradation de l’épargne, c’est du fait justement de la baisse brutale et injustifiée des transferts financiers de l’Etat, dont on répètera à nouveau qu’il ne s’agit pas de « cadeaux », mais de la juste compensation de transferts de charges ou de suppression d’impôts locaux. L’atonie des ressources fiscales depuis la suppression de la taxe professionnelle joue aussi un rôle dans la dégradation de l’équilibre financier du secteur public local. La conséquence de cette dégradation, c’est d’abord la baisse de l’autofinancement et donc des investissements – car les maires et présidents d’exécutifs ne se lanceront pas dans le recours massif à endettement comme l’a fait l’Etat -, et ensuite la diminution des services rendus à la population.
Afin de limiter le recul de l'investissement local, la Cour fait une série de recommandations et préconise notamment la régulation de la masse salariale supprimant ce qu'elle appelle des "pratiques contestables" (heures supplémentaires, durées de travail inférieure à la durée légale...). Qu'en pensez-vous ?
Le procès qui est fait ces jours-ci aux agents territoriaux est tout simplement ignoble. En stigmatisant les fonctionnaires du service public local dont l’immense majorité gagne moins de 1,2 fois le SMIC, en manipulant l’opinion publique pour en faire des boucs émissaires des difficultés du pays, les « expertises » et « dossiers de presse » exclusivement à charge sont en train de détruire ce qui fonde le modèle français de service public. J’ai vu et lu ce matin des dessins et articles de presse insultants pour nos agents. Ce qui pose problème, ce n’est pas exactement ce que dit le rapport de la Cour, mais c’est ce qu’il permet que l’on dise.
Si l’on veut changer radicalement, si l’on veut notamment que les fonctions collectives de la société soient assurées autrement que par le service public, qu’on le dise clairement. Mais alors, que l’on ne vienne pas nous parler d’égalité d’accès ou de laïcité à tout bout de champ, car ces fonctions collectives seront très vite accaparées par des organisations d’une toute autre nature que le service public.
Que pensez-vous également de la proposition réitérée de la Cour d'un vote annuel d'une loi de financement des collectivités ?
Pour ma part, je ne comprends pas ce que cela veut dire. En présentant et faisant voter mon budget annuel, dans les règles fixées par la loi, pour ma commune, je dispose de ma « loi de finances ». Chaque collectivité fait de même. Si, comme je le crains, une « loi de financement » consiste à accentuer encore la tutelle et la mainmise sur les pouvoirs locaux, j’y suis résolument opposé. Ce n’est pas par la contrainte et la norme que l’on rendra meilleure la gestion publique, mais par la confiance et la responsabilité. Et les pays qui s’en sortent le mieux sont précisément ceux dont la culture politique est décentralisatrice ou fédéraliste. Le contraire de la France. Plutôt que d’imaginer de nouveaux moyens de contrôle et de domination de l’oligarchie administrative, il serait préférable de repenser en profondeur notre système institutionnel. A défaut, notre pays continuera à s’enfoncer dans une profonde crise de confiance.
Le rapport affirme que la situation financière des collectivités s'est encore dégradée en 2014, non pas du fait principal de la baisse de la DGF, mais principalement de la dégradation structurelle de l’épargne. Quelle est votre analyse ?
La Cour joue sur les mots. S’il y a dégradation de l’épargne, c’est du fait justement de la baisse brutale et injustifiée des transferts financiers de l’Etat, dont on répètera à nouveau qu’il ne s’agit pas de « cadeaux », mais de la juste compensation de transferts de charges ou de suppression d’impôts locaux. L’atonie des ressources fiscales depuis la suppression de la taxe professionnelle joue aussi un rôle dans la dégradation de l’équilibre financier du secteur public local. La conséquence de cette dégradation, c’est d’abord la baisse de l’autofinancement et donc des investissements – car les maires et présidents d’exécutifs ne se lanceront pas dans le recours massif à endettement comme l’a fait l’Etat -, et ensuite la diminution des services rendus à la population.
Afin de limiter le recul de l'investissement local, la Cour fait une série de recommandations et préconise notamment la régulation de la masse salariale supprimant ce qu'elle appelle des "pratiques contestables" (heures supplémentaires, durées de travail inférieure à la durée légale...). Qu'en pensez-vous ?
Le procès qui est fait ces jours-ci aux agents territoriaux est tout simplement ignoble. En stigmatisant les fonctionnaires du service public local dont l’immense majorité gagne moins de 1,2 fois le SMIC, en manipulant l’opinion publique pour en faire des boucs émissaires des difficultés du pays, les « expertises » et « dossiers de presse » exclusivement à charge sont en train de détruire ce qui fonde le modèle français de service public. J’ai vu et lu ce matin des dessins et articles de presse insultants pour nos agents. Ce qui pose problème, ce n’est pas exactement ce que dit le rapport de la Cour, mais c’est ce qu’il permet que l’on dise.
Si l’on veut changer radicalement, si l’on veut notamment que les fonctions collectives de la société soient assurées autrement que par le service public, qu’on le dise clairement. Mais alors, que l’on ne vienne pas nous parler d’égalité d’accès ou de laïcité à tout bout de champ, car ces fonctions collectives seront très vite accaparées par des organisations d’une toute autre nature que le service public.
Que pensez-vous également de la proposition réitérée de la Cour d'un vote annuel d'une loi de financement des collectivités ?
Pour ma part, je ne comprends pas ce que cela veut dire. En présentant et faisant voter mon budget annuel, dans les règles fixées par la loi, pour ma commune, je dispose de ma « loi de finances ». Chaque collectivité fait de même. Si, comme je le crains, une « loi de financement » consiste à accentuer encore la tutelle et la mainmise sur les pouvoirs locaux, j’y suis résolument opposé. Ce n’est pas par la contrainte et la norme que l’on rendra meilleure la gestion publique, mais par la confiance et la responsabilité. Et les pays qui s’en sortent le mieux sont précisément ceux dont la culture politique est décentralisatrice ou fédéraliste. Le contraire de la France. Plutôt que d’imaginer de nouveaux moyens de contrôle et de domination de l’oligarchie administrative, il serait préférable de repenser en profondeur notre système institutionnel. A défaut, notre pays continuera à s’enfoncer dans une profonde crise de confiance.
Propos recueillis par Aurélien Wälti
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